Frites et cinéma francophone belge

Publié le : 13-08-2025


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Le réalisateur Jan Bucquoy, amoureux de la frite belge.

Vous en étonnerez-vous? La Belgique est très présente quand il s'agit de s'intéresser à la filmographie de la frite et de ses baraques. Celle-ci devient même passionnante puisqu'elle nous offre un voyage à travers les cinémas de Belgique, à la croisée de quelques pépites parfois oubliées... Morceaux choisis.

Avant d'entamer votre lecture, assurez-vous d'être au rendez-vous de notre événement gratuit: «La frite fait son cinéma culte!». Au programme: «Fritland» (1985, Super 8) et «La Gourmandise» (1989, animation), dans le cadre des portes ouvertes gratuites du Micro Musée de la Frite de Home Frit' Home (rue des Alliés 242, 1190 Bruxelles - Forest):

  • samedi 6 septembre (13h30-18h30)
  • dimanche 7 septembre 2025 (13h30-18h00). Et maintenant, place au cinéma belge francophone frituresque...

«Jambon d'Ardenne» (1977, «Ham and Chips»): «C'est mayonnaise ou pas mayonnaise!»

Mettons le cap sur Durbuy... En 1977, Annie Girardot, au faîte de sa gloire, y est la patronne du restaurant l'Esplanade dans ce film du réalisateur arlonais Benoît Lamy. Ce dernier a réussi à convaincre la star française de participer à un véritable «western régionaliste» dont l'intrigue repose sur les rivalités, de moins en moins contenues, opposant les restaurateurs de la petite ville touristique. Annie Girardot y est confrontée à l'entêtée et jalouse Ann Petersen, en patronne de caravane à frites au parler vrai bien de chez nous... «C'est mayonnaise?» Le client, hésitant: «Bééé...». La patronne, s'énervant: «C'est mayonnaise ou pas mayonnaise!» Et que gicle la sauce!

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«Harpya» (1979): «Pas de salut à la Friture Gargantua»

Le cinéaste Raoul Servais démontre son savoir-faire en matière d'animation avec le court-métrage (un peu plus de 8 mn) «Harpya» (Palme d'Or du court-métrage au Festival de Cannes 1979). Cette œuvre plutôt surréaliste, où des personnages filmés sont incrustés dans des décors graphiques, est une petite fable horrifique en forme de clin d’œil dont le personnage principal, confronté à l'appétit dévorant et sans borne d'une terrifiante harpie, ne trouvera hélas pas son salut à la Friture Gargantua...

«Benvenuta» (1983): «Je prendrais bien une frite, pas vous?»

Dans ce très raffiné film d'André Delvaux, Françoise Fabian, qui incarne une ombrageuse femme de lettres, surprend le spectateur en interpellant Matthieu Carrière avec qui elle se promène dans les rues de Gand: «Je prendrais bien une frite, pas vous?».

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«Fritland» (1985): «Le road-movie baraques à frites culte en Super 8!»

Voir notre article «La frite fait son cinéma!» consacré à la projection gratuite au Micro Musée de la Frite de Home Frit' Home des courts-métrages «Fritland» (1985), d'Yves Warson et Gilles Houben, et «La Gourmandise» (1989), de Manuel Gomez.

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«La Gourmandise» (1989): «Rien ne nous empêchera de manger des frites...»

Voir notre article «La frite fait son cinéma!» consacré à la projection gratuite au Micro Musée de la Frite de Home Frit' Home des courts-métrages «Fritland» (1985), d'Yves Warson et Gilles Houben, et «La Gourmandise» (1989), de Manuel Gomez.

«La vie sexuelle des Belges 1950-1978» (1994) et «Camping Cosmos» (1996)

Jan Bucquoy, adorateur des frites, le leur rend bien, dans un style qui n'appartient qu'à lui. Pour «La vie sexuelle des Belges 1950-1978», il filme ce qui est vraisemblablement la première scène de sexe dans une baraque à frites. Il récidivera peu après quelque part sur la côte belge, avec «Camping Cosmos», épisode suivant de son hexalogie «La vie sexuelle des Belges», dont la Frituur Cosmos est devenue l'un des symboles, au même titre que le personnage de Lolo Ferrari. Dans ce long métrage, c'est au tour du cuistot Crapaud de faire l'amour à sa femme alors que frétillent les frites et que leur recette, au blanc de bœuf, est expliquée au spectateur!

«Le mur» (1998): «François Schuiten lui a dessiné un fritkot»

Ce film d'Alain Berliner place une baraque à frites au centre de tous les paradoxes! Cette dernière est plantée, à la veille de l'an 2000, dans un village belge, situé sur la frontière linguistique. Car, dans ce récit d'anticipation, le conflit qui oppose les deux principales communautés belges nourrit l'intrigue. Il n'en aura pas fallu plus, avant même qu'il ne soit tourné, pour que ce long métrage se voit refuser des subsides par l'une et l'autre Communauté frileuses à l'idée de cautionner la reconnaissance de leurs différends. C'est donc auprès d'Arte et de producteurs français qu'Alain Berliner trouvera le soutien nécessaire à cette réalisation, alors qu'il avait cependant, peu de temps auparavant, attiré l'attention à Cannes avec «Ma vie en rose» (1997). Nul n'est prophète en son Royaume... «Le mur» est celui qui est érigé sans crier gare la nuit du 31 décembre 1999 et qui fait basculer la vie d'Albert, le francophone bilingue, patron du fritkot, qui avait pourtant déjà connu bien des difficultés pour vivre au grand jour son amour avec Juliette, la jolie petite flamande... François Schuiten a travaillé au story-board de «Le mur» d'Alain Berliner; il se rappelle... «Quand j'ai collaboré à ce film, j'avais dessiné un fritkot. C'est la seule fois où je l'ai fait. Mais j'aurais peur de m'investir plus dans ce sujet (celui de la frite), car je sais qu'en France ça me tomberait dessus!»

«Dikkenek» (2006): «Le film à l'origine de la sauce Dallas!»

Collection de moments belgo-croustillants, avec un peu de moelleux entre ceux-ci, «Dikkenek» d'Olivier Van Hoofstadt met en scène à l'avant-plan le dikkenek François Damiens, mais également derrière un comptoir une figure de la scène pop-rock belge: DJ Saucisse «qui pique des frites dans ton cornet» alias le Dop! Le film est aussi à l'origine de la fameuse sauce Dallas, commercialisée une dizaine d'années après la sortie de «Dikkenek», de la marque Brussels Ketjep.

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«Fritkot» (2010): «Carbonnades et... sauce toscane!»

Nous retrouvons avec cette réalisation signée Manuel Poutte le registre du documentaire. Mais les personnages qui y sont mis en scène en font un film haletant, un huis-clos façon fritkot truculent qui milite pour ces institutions typiquement belges que sont les baraques à frites. «Fritkot» nous transporte à la gare de Jette, place Cardinal Mercier, en compagnie de la frituriste Valérie et de son «bolleke» alias Joseph «Jef Moestasje» De Ganck, personnalité et fameuse moustache de la capitale belge, qui nous a quittés le 31 décembre 2024. Les bons mots défilent dans «Fritkot», laissons le dernier à la frituriste Valérie, derrière son comptoir: «Partout c'est chez moi et nulle part, mais ça c'est chez moi.»

Benoît Poelvoorde, les frites et la tentation de saint Antoine

En conclusion? Benoît Poelvoorde (Libération, mardi 10 février 2004): «Je voudrais faire un Guide Michelin de la frite. La baraque doit être éclairée au néon. De préférence mauve. Une frite se mange adossé au mur. Ou en marchant. Mais ramener son cornet à la maison est une hérésie. Le lendemain, ta femme, qui a flairé que tu sentais fort la graisse, les mains sur les hanches, te fait: "Vous n'avez pas été bouffer une frite, quand même?" Et toi, qui as succombé à la tentation de Saint Antoine, tu réponds : "Si", en étouffant ce petit renvoi qui te rappelle ton forfait honteux.»

Cet article a été réalisé sur base (notamment) d'extraits du livre «Carrément Frites » signé Hugues Henry (La Renaissance du livre, 2012) disponible sur notre e-boutique.

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